L'histoire du marbre en Vallée d'Ossau La pierre d'Arudy
Si l’on parle davantage de la « Pierre d’Arudy », et non du « marbre d’Arudy », c’est qu’à l’inverse des roches métamorphes réputées des carrières voisines, la pierre d’Arudy n’est pas un marbre, mais une pierre calcaire marbrière.
Il s’agit en effet d’une roche à la formation géologique très particulière : « Mud Mound » (monticule boueux). Les « Mud Mound » sont constituées d’un voile bactérien qui leur permettent de durcir rapidement. Leur aspect massif leur confère la capacité à « prendre le poli », c’est la raison pour laquelle la pierre d’Arudy prend les caractéristiques du marbre une fois polie.
La société « Carrières Laplace » est la dernière exploitante des 3 sites d’extraction de pierre calcaire marbrière dans la Vallée d’Ossau. Résistante, dense et esthétique, la pierre grise d’Arudy est réputée pour sa qualité et destinée à divers usages : architecture (linteaux bouchardés, encadrement de portes et fenêtre), mobilier urbain (fontaines, escaliers, bancs), sculpture (œuvres réalisées à l’occasion des Biennales de la Pierre en 2017-2022)… Pour découvrir la Pierre d’Arudy sous toutes ses formes, il vous suffit de déambuler dans les rues du village éponyme, véritable musée à ciel ouvert. En passant par la Place de l’hôtel de ville, prenez le temps d’apprécier par exemple l’esthétique du monument aux mort. Edifié en 1922 en hommage aux arudyens morts durant la Guerre de 1914-1918, façonné dans la Pierre d’Arudy et restauré par l’entreprise arudyenne de taillage de pierre Moncayola, il reflète à lui seul, dans son ensemble, la symbolique du célèbre slogan local « Arudy, une âme gravée dans la pierre ».
Exportée en Belgique, en Allemagne, ou encore au Japon ou aux Etats-Unis, la Pierre d’Arudy est autant appréciée localement, qu’à l’étranger. On la retrouve notamment sur l’Empire State Building à New York, au Conseil d’Etat des Pays-Bas ou sur l’Opéra Garnier à Paris. Afin de protéger l’appellation « Pierre d’Arudy », de mettre en valeur sa dimension patrimoniale, et de parer à la contrefaçon, carriers et transformateurs se sont associés pour obtenir en 2020 le label IGP. Un bloc de 34 tonnes trônant à l’entrée du village, illustre sans équivoque le poids de l’identité de la Pierre d’Arudy.
Marbre statuaire de Louvie-Soubiron
De la roche des carrières de Louvie-Soubiron fut façonnée deux types de marbres : « le bleu turquin » (veiné de gris et de bleu) et le célèbre « marbre blanc statuaire de LouvieSoubiron » (blanc pur). Ce dernier, comme son nom l’indique, était utilisé essentiellement pour la réalisation de statues et d’ornements. La statue d’Henry IV de Nicolas Raggi (Place Royale à Pau), « Cincinnatus » de Denis Foyatier (Jardin des Tuileries à Paris), « Talma méditant le rôle de Sylla » de David d’Angers (collection de la Comédie-Française), témoignent de l’apport majeur du marbre statuaire de Louvie-Soubiron dans la sculpture française.
Ce noble matériau fut également employé pour un usage davantage pratique localement tels qu’un seuil de bâtiment agricole de la Vallée, l’encadrement de l’ouverture d’une grange, le lavoir d’un village… Le marbre blanc de Louvie-Soubiron est également présent dans la vallée sur divers éléments décoratifs sculptés, comme le bénitier de l’église Saint-Pierre à Laruns ou encore la fontaine de la place du village : pureté du blanc qui fait écho à la pureté de l’eau (eau bénite, eau potable de la fontaine, eau des sources puisée par les thermes des villages un peu plus en hauteur).
L’exploitation des carrières de Louvie-Soubiron prend fin au milieu du XIXe siècle, en raison des difficultés d’accès aux sites et de l’absence d’une passerelle suffisamment solide pour acheminer les blocs de pierre de l’autre côté du gave. C’était la vocation première du pont maçonné de Béost, mais sa construction s’achèvera après l’abandon des carrières.
Aujourd’hui, un circuit d’interprétation de 3 km au-dessus du village de Louvie-Soubiron invite à découvrir les caractéristiques de ce marbre et l’histoire de son exploitation.La brèche du Bénou
Exploitée à partir du XVIIe siècle, la carrière du Bénou offre un marbre polychrome unique en son genre : la Brèche de Bénou. Les brèches sont une catégorie de marbres formés de gros éléments apparus au moment de la formation géologique de la pierre : pressions et distorsions sous un climat de type tropical ont créé un marbre composé de toute une variété de couleurs. Teintée de violet foncé, vert émeraude, jaune d’or, rose et noir, la Brèche de Bénou évoque - telle que la décrivent les propriétaires actuels de la concession - les célèbres peintures de Gustave Klimt.
Utilisée dans le monde entier en particulier pour le mobilier et les encadrements de cheminées, on la retrouve en Vallée d’Ossau sur la fontaine d’Arudy (assemblage de pierre polie grise d’Arudy et de marbre du Bénou) ou encore, sur le remarquable présent offert en 1996 à la Mairie de Bilhères en Ossau par l’exploitant d’alors, le célèbre marbrier italien Luigi Antolini (concession autrefois supervisée par « Les Nouvelles Carrières du Béarn »).
Il s’agit d’une impressionnante feuille de marbre de 400 kg destinée à la conception de la table du conseil municipal.
Plus exploitée depuis plusieurs années, la carrière du Bénou a récemment été reprise par la Société italienne Escavamar SRL, une véritable dénicheuse de pépites abandonnées (détentrice notamment de droit exclusif d’extraction du Grand Antique d’Aubert des montagnes Ariégeoises : un marbre noir et blanc extraordinaire qui avait disparu du marché depuis la Seconde Guerre mondiale). Depuis mai 2023, des blocs de Brèche du Bénou voyagent donc à nouveau à travers le monde.